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Serge Gainsbourg : hommage et nostalgie pour les 30 ans de la disparition du poète

  • Nicolas Daguin
  • 4 mars 2021
  • 4 min de lecture

Portrait de Serge Gainsbourg devant son domicile de la rue de Verneuil. Le 2 mars 2021 à Paris. Photo Nicolas Daguin


Le 2 mars 1991, Serge Gainsbourg est retrouvé mort à son domicile de la rue de Verneuil, dans le 7e arrondissement de Paris. Pour l’anniversaire des trente ans de sa disparition, des admirateurs ont fait le déplacement jusqu’à son domicile parisien. Mais aussi au cimetière du Montparnasse où la star est enterrée.


Voilà trente ans que Gainsbourg s’est barré et que Gainsbarre ne s’est plus bourré. Le 2 mars 1991, l’homme à la tête de chou est retrouvé mort chez lui, rue de Verneuil, victime d’une énième crise cardiaque à l’âge de 62 ans. Lui qui avait tant de fois chanté “Je suis venu te dire que je m’en vais”, n’a cette fois pris la peine de prévenir personne. Poète accompli et respecté, il aura marqué de son génie des générations entières de jeunes et de moins jeunes, fumeurs et non fumeurs.


Au cimetière du Montparnasse, en ce jour d’anniversaire, quelques admirateurs ont tenu à être présents pour célébrer leur idole. Sur l’avenue transversale, 1ère division, 1ère section, la tombe du poète-chanteur est immédiatement reconnaissable. Des fleurs, des cigarettes, des briquets, des dessins et des choux bien sûr, sont disposés sur la pierre fatiguée du caveau familial. Un petit Ken en plastique à la tête de chou et aux chaussures blanches siège sur l’un des bords de la tombe. Et puis le silence.




En début d’après-midi ce mardi, il ne doit pas y avoir plus de dix personnes autour de la pierre tombale. Un homme semble ému. Avec ses grosses bagues aux doigts, son blouson de cuir et son casque sur les oreilles, il regarde la dernière demeure de la star, immobile. Cet homme, c’est Fabrice, 57 ans, un agent immobilier du 15e arrondissement de Paris. Il vient régulièrement se recueillir sur la tombe de son idole pour “faire le ménage”. Le ménage sur la tombe mais aussi dans sa tête. “Vous ne pouvez pas vous rendre compte à quel point Serge a compté dans ma vie”, lâche le quinquagénaire de sa voix rocailleuse. "Ça me fait du bien d’être là. C’est con je sais, mais j’en ai besoin. C’est grâce à lui que j’ai pu m’épanouir dans ma jeunesse quand ça n’allait pas fort chez moi avec mes parents. À vrai dire, Serge m’a boosté pour faire des conneries mais c’est aussi ce qui m’a libéré", poursuit Fabrice, le casque toujours vissé sur les oreilles. “J’écoute en boucle l’album ‘Histoire de Melody Nelson’, son plus beau”, explique-t-il avant de déposer un briquet rouge sur la tombe où d’autres personnes en ont déjà éparpillés plusieurs.


Fabrice, 57 ans, devant la tombe de Gainsbourg, venu rendre un dernier hommage à son idole, le 2 mars 2021. Photo Nicolas Daguin


Au même moment, une jeune femme d’une vingtaine d’années, s’agenouille sur la tombe du poète disparu. Les deux mains posées sur la pierre, la tête en avant, elle laisse s’échapper quelques sanglots. “Elle pleure parce qu'elle n’a jamais pu assister à un concert de Gainsbourg”, raconte Patricia, 60 ans, sa mère.


“La plus belle soirée de toute ma vie”


Patricia, elle, a eu cette chance. “C’était en 1982, j’avais 21 ans. Des amis m’avaient offert une place de concert et à la fin du show, on a pu aller dans la loge de Serge. On a discuté quelques minutes pour finalement finir chez lui, rue de Verneuil. C’était la plus belle soirée de toute ma vie”, se souvient Patricia, émue à son tour. “Je lui avais dit que dans mon enfance, ma grand-mère me jouait souvent une comptine. Il m’a regardé et m’a dit : “attends la pisseuse, je vais te la faire” et il me l’a joué au piano, c’était incroyable.”


Patricia, 60 ans, assise en face de la tombe de Serge Gainsbourg et tenant dans ses mains des photos de l'enterrement de la star auquel elle avait assisté en 1991. Photo Nicolas Daguin.


Rue de Verneuil, Serge Gainsbourg y a vécu près de 30 ans. Au numéro 5 bis, derrière le grand mur d’enceinte que les admirateurs ont depuis transformé en œuvre d’art à sa mémoire, Gainsbourg a passé des nuits entières à écrire et composer certains de ses plus grands poèmes.


«C’était un rebelle, un putain de rebelle, mais sans

haine et sans rage envers qui que ce soit!

Il n’était pas là pour diviser mais

pour rassembler au contraire»


Ils sont venus en nombre mardi pour lui dire merci, encore. Pour lui dire qu’ils ne l’oublient pas. “C’était un rebelle, un putain de rebelle, mais sans haine et sans rage envers qui que ce soit! Il n’était pas là pour diviser mais pour rassembler au contraire”, raconte Rodolphe, un “Gainsbourien de longue date” comme il aime le dire. Avec ses cheveux gominés et plaqués en arrière, sa clope au bec et sa parka militaire au dos de laquelle figure une image du gangster Jacques Mesrine et ce message “Lycée technique Jacques Mesrine”, Rodolphe, la cinquantaine, a tout du rebelle lui aussi.


Rodolphe, de dos avec sa parka Jacques Mesrine, un autre admirateur de Gainsbourg devant son domicile parisien de la rue de Verneuil. Le 2 mars 2021 à Paris. Photo Nicolas Daguin.


“Seulement moi je n’ai jamais eu le courage de me bouger le cul pour vraiment dire ce que je pense, comme Serge a pu le faire, et finalement comme il continue de le faire par son oeuvre qui perdure”. Tandis que certains sont venus pour prendre quelques photos, pour discuter ou simplement regarder, d’autres s’attèlent à laisser une trace de leur passage sur le grand mur blanc - qui ne l’est d’ailleurs plus vraiment. “I love you my Serge”, “Quand est-ce que tu reviens mon coco? Tu nous manques”, “Serge Forever”, “On t’aime, toi non plus”... Autant de témoignages d’affection qui recouvrent la façade presque entièrement. Un homme lui, peint à la bombe un immense portrait de Serge Gainsbourg. Aujourd’hui l’idole sera bleue, de la couleur d’un paquet de Gitanes, ses favorites.



Assis sur un escabeau, une guitare à la main, un trentenaire reprend La Javanaise accompagné par quelques passants qui donnent de la voix. Et pendant quelques minutes, dans une sorte d’élan collectif d’amour et de nostalgie, la star revit. Serge est là, dans les cœurs de ceux qui le font vivre, encore. L’immortalité des disparus se trouve sans doute dans le cœur de ceux qui restent...


Nicolas Daguin.





Titre Print incitatif : Serge Gainsbourg : l'immortel






 
 
 

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