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Paris : la piétonnisation de Montmartre, une idée réaliste ?

Par Ségolène Ginter d'Agrain


Alors que chaque année environ douze millions de touristes visitent le quartier Montmartre, la mairie du XVIIIe arrondissement entreprend de limiter drastiquement la circulation des voitures. Mais la piétonnisation presque totale et le plan de circulation ne font pas l'unanimité chez les commerçants et les riverains de la butte.


Au 23 rue Muller, se situe le Petit Bleu, un restaurant tunisien, tenu par Amina. Cette dernière a signé en ligne la pétition pour la piétonnisation de Montmartre, lancée par des commerçants au printemps 2020. « Si il n'y avait plus de voitures dans la rue, je pourrais installer une grande terrasse l'été afin d’accueillir mes clients », estime la restauratrice. Les camions garés obstruent aujourd’hui sa vue sur le Sacré-Cœur.

Le restaurant tunisien d'Amina au 23 rue Muller, dans le XVIIIe arrondissement de Paris. Crédit : SG


La régulation de la circulation dans le quartier Montmartre est une volonté de la mairie du XVIIIe, soutenue par l’association des commerçants de Lepic-Abbesses (ACLA). Elle compte plus de 200 adhérents. Son président Brice Moyse affirme au Figaro avoir maintenu un dialogue permanent avec la mairie, quant à la volonté de piétonniser certaines rues. Cependant, le commerçant estime aujourd’hui que le futur aménagement est incohérent : suppression de 8000 places de stationnement sur 16.000, fermeture de voiries, modification du sens de la circulation des rues… « On ne pourra plus traverser Montmartre d’Est en Ouest », et ajoute : « La piétonnisation était pour empêcher les véhicules extérieurs de monter, pas de rendre impossible la circulation des résidants. »



Plan élaboré par la mairie du XVIIIe arrondissement.


A l’angle de la rue des Abbesses et la rue Lepic, Isabelle, habitante depuis 18 ans dans le quartier, fait partie des riverains mitigés sur l’interdiction des voitures. « A l’heure actuelle on s’attend à tout et n’importe quoi de la part de la mairie. Si les gens ne peuvent plus se garer, ils ne viendront plus faire leurs courses », assure la riveraine cinquantenaire, dans la poissonnerie Pepone. Alain Coquart, 80 ans, figure emblématique du quartier, n’est également pas convaincu par la mesure. Le vieil homme est le "président de la République de Montmartre", association fondée en 1921, dans le but de défendre et préserver les traditions de Montmartre. Joint par le Figaro, il soutient que les décisions sont prises par des «technocrates qui décident en dehors de toute réalité.»


Une nostalgie du « village » d’antan pour certains


« Montmartre s’est américanisée, les loyers ont explosé », ajoute dépitée la cliente devant l’étalage de poissons. Elle déplore également qu’on ne trouve plus que des boutiques de pacotilles chinoises en haut de la butte. Aujourd’hui, rue Lepic, cette poissonnerie est l’un des derniers commerces de bouche. Autrefois, on surnommait cette rue « le marché de Montmartre », confirme le poissonnier, qui contemple une vieille photo en noir en blanc accrochée au mur.


Photo de l'angle de la rue Lepic et la rue des Abbesses, dans les années 1900.


Selon Jacques Baudrier, adjoint d'Anne Hidalgo, chargé du suivi des chantiers, il y a eu concertation des habitants du quartier Montmartre. «La réunion fut consensuelle sur le plan de circulation», assure l'élu. Lorsque celle-ci a eu lieu fin novembre 2022, le maire du XVIIIe arrondissement s'est également réjouit sur Twitter de ce projet "d'Embellissement" de Montmartre.


Cependant, Rudolph Granier, conseiller de Paris et élu du même arrondissement déplore un plan incohérent. Contacté par Le Figaro, l'élu LR, proche de Rachida Dati, estime que la concertation effectuée est «déguisée.» Selon l'élu de droite, le quartier compte 27.685 habitants, 21 km de voiries et emploie 10.000 personnes. Or il n'y a eu que 186 participants à la consultation organisée par la mairie. «D'ailleurs, seules 31 personnes ont voté pour la piétonisation de la rue des Abbesses», clame t-il. Rudolph Granier ne se dit pas totalement opposé aux rues piétonnes, mais il estime que la maire de Paris est passée à côté du sujet.

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