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  • Quentin Halbout

Rugby Club de Chilly-Mazarin : 1, Covid-19 : 0

Dernière mise à jour : 18 juin 2021

Dans une saison marquée par la crise sanitaire, l’équipe féminine de Chilly-Mazarin est l'unique formation d’Élite 1 à n'avoir reporté aucun de ses matchs. Présentation des Spartiates, une équipe qui a appris à combattre le virus.


Des joueuses rigoureuses et unies sont la clé du protocole renforcé mis en place par le Rugby club de Chilly-Mazarin. Crédits : QH


Nous sommes le 15 avril 2021. Tous les clubs du championnat d'Élite 1 féminin ont reporté, voire annulé, des matchs à cause de la Covid-19… Tous ? Non. Un club peuplé d’irréductibles Spartiates résiste encore et toujours à l’envahisseur… Sur le terrain, Amandine a déjà commencé les étirements. Agrippée à la barrière, elle met des coups de pied dans le vent en ironisant sur la grâce du geste. Il fait froid. Un de ces froids qui nous ferait presque remercier la Covid-19 d'avoir introduit dans les mœurs ces bouts de tissu qui réchauffent le nez. Doudounes et sweat-shirts sur le dos, les Spartiates commencent tranquillement l’échauffement.


Que ce soit sur le parking ou devant les locaux : ni embrassade, ni serrage de mains. Pour se dire bonjour, on joue des coudes. Avant de piétiner le gazon, les dernières arrivées passent dans les vestiaires. L’endroit où l’on se changeait dans le monde d'avant, ce qui est désormais interdit par le protocole sanitaire de la Fédération française de rugby (FFR), a été transformé en salle de prélèvement.


« Non, faut prendre la narine gauche, sinon je vais saigner » explique Ombeline à l’infirmière, au moment de subir son 23ème test PCR de la saison. Il est 20 heures 10, elle est en retard. Épaulée par deux autres infirmières, Catherine Laudignon vient chatouiller les sinus des joueuses avec ses écouvillons. « Tous les jeudis, toutes les personnes qui prennent part de près ou de loin aux entraînements subissent un test PCR » explique la responsable des cadettes, qui remplacera bientôt Germaine Etchebarne, alias « Zouzou », chez les féminines. « Franchement, tu le fais super bien, je n’ai rien senti », la complimente Noelline, troisième ligne au club, en remettant son masque sur son nez.


Depuis le mois de janvier, deux infirmières libérales viennent effectuer des tests PCR toutes les semaines aux Spartiates. Crédits : QH

Ce geste fait partie du « protocole renforcé » mis en place par le club pour cette saison 2020-2021, qui repose sur la responsabilité des joueuses. Des gestes simples, mais contraignants pour la vie du groupe amateur. Alors que même certains clubs professionnels du Top 14 sont contraints d'annuler des rencontres à cause de cas positifs dans leurs effectifs, les Spartiates sont la seule équipe de première division féminine à n'avoir ni reporté, ni annulé, aucun de leurs matchs.


Gare au « covid kebab »


Le 21 février dernier, lorsque la FFR annonce l'arrêt des championnats amateurs, les joueuses de la première division ont retenu leur souffle. Car contrairement à leurs homologues masculins, elles ne sont pas professionnelles. Il aura fallu une dérogation du ministère des Sports, que les joueuses ont obtenue aux forceps, pour qu’elles puissent reprendre le championnat. Encore faut-il que leur effectif échappe à la Covid-19.


Car cette saison, en championnat d'Élite 1 féminin – appelé également Top 16 – certaines équipes n'ont pas eu autant de réussite que le Rugby club de Chilly-Mazarin (RCC). L'AC Bobigny 93, par exemple, qui faisait partie des meilleures équipes du championnat l'année dernière – 7 victoires en 9 rencontres jouées – a été fortement touchée par la crise sanitaire cette saison. Le club de Seine-Saint-Denis, régulièrement affaibli par le coronavirus, a dû reporter plusieurs rencontres. Parfois, aussi, parce que des cas positifs sont diagnostiqués chez l'adversaire.


Le 21 février dernier devait se tenir la rencontre AC Bobigny 93 – FC Grenoble Amazones. Pour se qualifier, les Franciliennes devaient le remporter. Malheureusement, des cas positifs sont détectés dans l'effectif grenoblois. Le calendrier ne permettant pas de reporter ce match, le résultat est donc calculé par péréquation. Les joueuses de l'AC Bobigny 93 manquent les phases finales et sont reversées en play-down, la série de matchs éliminatoires. D'après les bruits de vestiaires, cette situation serait en grande partie due aux « covid kebabs », repas durant lesquels les joueuses ne respectent pas les gestes barrières.


« Le rôle de Covid Manager, c’est jouer à la police »


Aouregane, responsable sanitaire de l'équipe, arbore fièrement le masque à l'effigie du club offert par l'un des partenaires. Crédits : QH

Alors que les joueuses enchaînent les jongles avec des balles de tennis, à l'abri du froid, Aouregane, surnommée « Aou », s'enquiert de l'état de santé des joueuses blessées. Cette jeune chiropractrice à la ville est la soignante du RCC sur les terrains du Top 16. Elle assure également le rôle de responsable sanitaire, ou Covid Manager.


Les Covid Managers sont nommés dans chaque club et chaque secteur. Ils sont chargés de faire remonter les informations au Covid Manager de la fédération. D'après le protocole de la FFR, chaque joueur est responsable de sa propre santé et doit « s'auto-évaluer » avant chaque entraînement. Pour éviter un faux diagnostic, le RCC a décidé de maintenir en période de trêve les tests PCR, seulement obligatoires 72 heures avant chaque match.


La fédération a également structuré en huit phases distinctes les entraînements. La première étant un entraînement individuel sans contact et sans ballon, qui progressivement mène à la phase 7 avec un entraînement collectif, des matches amicaux et la possibilité de reprendre le championnat. « Si des cas de Covid-19 se déclarent, l'équipe redescend dans les étapes » explique Jordan Godenaire, l'entraîneur des avants du RCC. Les Spartiates ayant repris la compétition, elles ont dû suivre ce protocole à la lettre jusqu'à pouvoir effectuer des entraînements normaux.


En réalité, « le rôle de Covid Manager est en très grande partie de jouer à la police pour que les masques restent sur le nez dès qu’elles sortent du terrain » sourit Aou. « Nous avons de la chance d'avoir des joueuses très rigoureuses. Le protocole que nous avons mis en place est strict, mais il n'y a pas de sanctions si elles ne le respectent pas, il en va de leur responsabilité à chacune. » Alors que les dernières arrivées ôtent leurs masques pour commencer l'entraînement, La responsable sanitaire rappelle qu'aucun cluster n'a été créé au sein de l'équipe, malgré son statut amateur.


« Le protocole que nous avons mis en place demande énormément de sacrifices »

Elles gèrent mieux que les pros


Jordan, l'entraîneur des avants, insiste sur la nécessité de professionnaliser le Top 16. Crédits : QH.

« L'amateurisme complique la mise en place d'un protocole stricte, explique Aou. Le club ne peut pas les forcer à appliquer les gestes barrières, la distanciation sociale et à porter un masque en dehors du cadre sportif. Elles ont une vie en dehors du rugby. » L'entraîneur des avants dresse le même constat : « Si on veut pouvoir éviter que les clubs soient décimés par la crise sanitaire, il va falloir passer par une professionnalisation de la division. »


L'autre inconvénient de l'amateurisme est le manque de moyens. La précaution sanitaire a un coût, que la fédération ne couvre pas. À titre d'exemple, les seuls tests PCR ont un coût de « 5 000 à 6 000 euros pour la saison » explique le président du club . « Sans un partenariat avec le laboratoire qui nous les offre gracieusement, nous n'aurions pas pu nous le permettre et les filles auraient du se rendre dans un labo, sans ordonnance. »


Pour Catherine Laudignon, la rigueur dont font preuve les joueuses en dehors du cadre sportif fait la différence avec les autres clubs : « Nos filles prennent très au sérieux la prévention. Quand elles sortent avec des amis, elles ont la présence d'esprit de se faire tester avant de revenir à l'entraînement. Le protocole que nous avons mis en place leur demande énormément de sacrifices… » Ce que confirme Noelline : « Sur ou en dehors du terrain, on pense toujours à la coéquipière. On crée une sorte de bulle sanitaire autour de nous. » Ces sacrifices, bien qu'efficaces, mettent à mal une des choses les plus importantes dans l'ovalie, le lien social du groupe.


« Le rugby se joue aussi en dehors du terrain »

Les Spartiates se préparent d'ores et déjà à accueillir à bras ouverts la réouverture des terrasses à la mi-mai. Crédits : QH.

Sur le bord du terrain, emmitouflées dans leurs manteaux, Zouzou et Catherine se remémorent le dernier déplacement. « C'est le dernier endroit où les filles peuvent créer du lien entre elles… », regrette Catherine. « C'est sûr que lorsque l'on passe cinq heures ensemble dans un bus, on apprend à se connaître », confirme Zouzou.

Depuis plus d'un an, déjà, l'équipe n'a pas pu se rassembler autour d'une grande tablée, pour partager un bon repas. Terminée, également, la troisième mi-temps si grandement popularisée par le rugby. Les entraîneurs essaient alors de trouver des parades pour solidariser le groupe.


Dans le bus, on joue aux cartes, on rigole, on discute. Les plus studieuses s'assoient à l'avant, pour réviser leurs examens, tandis que derrière résonnent sur les enceintes Céline Dion et Wejdene et les parties de belote s'enchaînent. Noelline ne sait pas y jouer. Elle a donc profité de ce voyage vers Rennes pour discuter avec Jessica, une des dernières arrivées. « Toutes ces choses-là, on les faisait en soirée ou pendant la troisième mi-temps avant. On a plus l'occasion de découvrir nos nouvelles coéquipières. »


Pour essayer de fédérer le groupe, les sessions d'entraînements ont été adaptées. « Puisque le plaisir n'existe plus en dehors du terrain, nous avons essayé de l'amener dans les entraînements », s'amuse l'entraîneur des avants. Quelques soirées pizzas ont été organisées en extérieur dans le respect des gestes barrières, des entraînements déguisés avec un thème différent tous les mois, des exercices plus ludiques… Mais, elles n'ont que rarement l'occasion de discuter toutes ensemble.


Dès l'entrainement terminé, le visage encore rougi par l'effort, les masques regagnent leur place. Crédits : QH

La nuit est tombée. L'entraînement touche à sa fin. Les joueuses ramassent leurs affaires rapidement et se disent au revoir d'un geste. Certaines reprennent le boulot à 5 heures demain matin. Pourtant, un claquement de verre se fait entendre. Quelques-unes partageront une bière sur le parking, en respectant la distanciation sociale. Après tout, une petite bière n'a jamais tué personne.


Quentin Halbout

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Agenda Transmédia


IGTV : Interviews croisées de deux joueuses, une qui trouve le protocole juste et l’autre trop sévère

Twitter : « Comment le Rugby Club de Chilly Mazarin a réussi à ne pas décaler ses matchs de la saison à cause du Covid-19 ? » Reportage au cœur du RCC. Pareil pour Facebook.

Instagram : Diaporama photo avec des images de l’entrainement, des tests pcr etc.

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