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  • Quentin Coldefy

Au cimetière du Montparnasse, les jeunes se retrouvent pour les 30 ans de la mort de Gainsbourg

Dernière mise à jour : 4 mars 2021

REPORTAGE. Ce mardi matin, il ne fallait pas nécessairement avoir connu Serge Gainsbourg pour le saluer, 30 ans après sa mort.


Au cimetière du Montparnasse, les fans de longue date accueillent les petits nouveaux / © Quentin Coldefy
  • Le 2 mars 1991, Serge Gainsbourg était retrouvé inanimé à son domicile du 5 bis rue de Verneuil dans le 7e arrondissement, victime d'une crise cardiaque.

  • Au cimetière du Montparnasse, les fans sont venus de partout pour commémorer le trentième anniversaire du décès de leur idole.

  • Parmi eux, de jeunes hommes et femmes qui n’ont pourtant jamais connu le chanteur de son vivant.

- Daniel ! Ça faisait longtemps.

- Un an andouille ! (Rires)


Il est 10 heures quand Patrick, crâne dégarni et masque à l’effigie de Gainsbourg, aperçoit son ami. Les deux sexagénaires ont fait fi du Covid pour commémorer les 30 ans de la mort de « Serge ». Chaque année, ils se retrouvent le 2 mars au cimetière du Montparnasse, à Paris. Ce matin, ils sont une vingtaine de membres d’un groupe Facebook dédié au chanteur. Au milieu du brouhaha nostalgique, une silhouette dénote par sa jeunesse. Cécilia a 23 ans. Elle n’était pas née le 2 mars 1991 mais tenait à être ici et est partie de Pontoise à 6h30. De la poche de son manteau noir, elle sort une poupée dont la tête a été remplacée par… un chou de Bruxelles. « C’est un Ken à la tête de chou ! », rigole-t-elle en référence à l’album du même nom. Fière, elle le dépose sur la tombe.


Le « Ken à la tête de chou » / © Quentin Coldefy

« On se sent un peu seuls »


Cécilia a découvert Gainsbourg « par hasard, il y a six ans, en errant sur Deezer ». Aujourd’hui, elle fait partie de plusieurs groupes d’aficionados qu’elle alimente en publications. Une passion qui ne manque pas d’interloquer ses amis. « Je crois qu’ils me trouvent bizarre. », témoigne-t-elle en pianotant sur son smartphone. Avant de jubiler à la lecture d’un message : « Hadar est là ! »


Hadar, c’est une amie rencontrée il y a quelques mois. Elle a 26 ans, de longs cheveux bruns bouclés, un sac noir en bandoulière et une cigarette entre les doigts. Arrivée d’Israël il y a un an et demi, c’est la première fois qu’elle se rend sur la tombe de Gainsbourg. « On s’est rencontré sur Instagram après avoir découvert qu’on avait presque le même tatouage du visage de Serge dans le dos », raconte-t-elle en déposant son ticket de métro sur la sépulture, clin d’œil à la chanson Le Poinçonneur des lilas. Dans son pays, personne ne partage sa passion : « Avec Cécilia, je parle enfin à quelqu’un qui me comprend. »


A côté d’elles, un jeune homme observe le caveau garni de fleurs, de choux et de cigarettes. Adossé contre un arbre, il a les mains dans les poches de son sweat rouge. Alexis a 19 ans, il est étudiant en fac d’histoire et se souvient que sa mère écoutait Gainsbourg « de temps en temps ». Loin des tendances du moment, sa passion reste cloîtrée dans les murs de sa chambre. « Quand on est fan de Gainsbourg à 20 ans, on se sent un peu seuls », déplore-t-il.

Cécilia, Hadar et Alexis prennent la pose devant la tombe de Gainsbourg / © Quentin Coldefy

Apprendre à apprécier


Pour Cécilia, Hadar et Alexis, si Gainsbourg n’est pas un artiste en vogue chez les jeunes, c’est parce que l’apprécier demande du temps. « Il m’a fallu bien trois ou quatre ans avant de comprendre certains textes », souligne Cécilia. Un constat partagé par Alexis : « Il y a beaucoup de doubles, voire de triples sens. Plus jeune, je ne comprenais rien. » Pour rendre hommage à Gainsbourg, le jeune homme ne l’écoute quasiment que sur des vinyles. Son œuvre est d’autant plus difficile à appréhender qu’elle est multiple. « Il y a du jazz, de la pop, du reggae, du rock… Je pense que beaucoup ne tombent pas sur le style musical qui leur plaît », analyse Hadar en soufflant sa fumée.

« Il m’a fallu bien trois ou quatre ans avant de comprendre certains textes »

Lorsqu’on évoque les frasques du chanteur, capable de brûler un billet de 500 francs en direct à la télévision, la réplique est immédiate. « Les gens ont une image de provocateur. Mais il y a toujours de la sensibilité dans ses textes », bondit Alexis. Cécilia concède tout de même que la période ne correspond plus à Gainsbourg : « Aujourd’hui il aurait été détesté. Mais il faut prendre le temps de replacer ses chansons dans leur époque. » Pour égayer le rassemblement, elle lance La chanson de Prévert sur son téléphone. Dans un spectacle improvisé, le trio entonne les paroles d’une petite voix : « …Et chaque fois les feuilles mortes. Te rappellent à mon souvenir... »


En quelques secondes, ils sont rejoints par les plus vieux. A 73 ans, Marc est touché de voir que des jeunes reprennent sa chanson préférée. Emmitouflé dans son manteau en cuir, il tient son ami Pierre, venu de Belgique, par l’épaule. « Voilà une bonne relève pour quand on ira rejoindre Serge ! », lâche Pierre. Posté à l’écart, Daniel est lui aussi ému : « Ça me fait tellement plaisir de voir des jeunes aimer Serge sans l’avoir connu ». Il est déjà 12h30. Le groupe se met en marche direction la rue de Verneuil, où un musée verra bientôt le jour dans l’ancienne maison de l’artiste. Pour mettre un coup de jeune à l'œuvre de Gainsbourg.


Quentin Coldefy



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- Vidéo : pour le web, une vidéo d'une interview d'un autre interlocuteur aurait pu être intégrée dans le corps dans l'article. On aurait aussi pu mettre la scène où les fans chantent ensemble.


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