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  • Léo de Garrigues

“La rue, c’est l’endroit où tu vois le plus de monde mais où tu te sens le plus seul”

Dernière mise à jour : 28 avr. 2021

En temps de pandémie, les associations de l'aide sociale luttent pour maintenir un lien avec les personnes SDF, pour qui la solitude représente la plus grande crainte.


Assis sur une chaise de camping, Abdel a bien mérité une petite pause. Le visage marqué, ce SDF vient de tondre la pelouse qui entoure le potager de l’Oasis de Koufra, un jardin situé près de la porte d’Orléans. “Ça coupait pas très bien, je l’ai réglée pour qu’elle rase le sol” glisse-t-il à Élie, stagiaire de l’association La Cloche. Tous les troisièmes mardis du mois, des personnes avec et sans abri passent l’après-midi à s’occuper de la plantation de nouveaux légumes et de la cueillette de ceux qui sont mûrs. C’est la première fois qu’Abdel est présent : “Ça me permet de ne pas rester cloîtré dans ma chambre toute la journée. En général les gens qui participent à ce genre d'initiatives sont des gens cools”. Sans aucun revenu, il passe ses semaines à donner de son temps aux associations, “pour ceux qui en ont besoin”. Les lundis et jeudis, il est aux Restos du Coeur et assure avoir récemment contacté Le Secours Populaire et La Croix Rouge pour occuper ses mercredis et vendredis.



Au ralenti pendant le premier confinement, les associations de l'action sociale ont su s'adapter malgré le contexte sanitaire difficile @Victorine Alisse


7 millions de Français isolés


Bien que les denrées de première nécessité soient fondamentales, ce sont la solitude et l’isolement que craignent le plus les sans-abri, encore plus en période de confinement. Christophe Robert, sociologue et délégué général de la Fondation Abbé Pierre, estime que l’enjeu du lien social est très important : “Au-delà du toit et de la nourriture, il y a ce sentiment de ne pas exister qui est extrêmement douloureux. On existe aussi à travers le regard des autres. C’est une question qui existe indépendamment du confinement, mais qui s’est accentuée avec la crise d’aujourd’hui.”


À l’échelle de la population nationale, plus de 7 millions de Français se trouvaient en situation d’isolement en 2020, soit 3 millions de plus qu’en 2010 d’après l'étude sur les solitudes, menée par la Fondation de France et le Crédoc. Pour ceux qui vivent sans-abri, la solitude se mêle au regard des passants. 83% d’entre eux ont déjà ressenti le rejet d’après une enquête réalisée par l’Association Emmaüs et l’institut de sondage BVA.


Favoriser le faire ensemble


Lorsqu’il s’agit de greliner, Shane ne rechigne pas. À quelques mètres d’Abdel, ce bénévole d’une trentaine d’années assainit la terre qui accueillera des plans de courgette “d’ici une semaine, quinze jours.” Étudiant en gestion de données, il profite de sa formation en ligne pour se dégager du temps pour les ateliers de La Cloche. “Cette mixité sociale entre personnes avec et sans abri est super importante” glisse-t-il en plein effort.



Shane participe chaque semaine aux ateliers jardinage, bricolage et écriture de l'association La Cloche @LdG


Avec la crise sanitaire, La Cloche a dû mettre fin à ses apéro-pétanque et karaokés chez les commerçants. Des ateliers de jardinage, d’écriture ou de cuisine ne dépassant pas 15 participants perdurent. Pour Goli Moussavi, directrice de l’antenne francilienne, l’accès à la culture ou aux loisirs est un levier très important de réinsertion sociale : “L’objectif est de trouver tous les prétextes pour créer du lien social, changer le regard que les citoyens peuvent avoir sur les personnes sans domicile et favoriser le faire ensemble entre personnes avec et sans domicile.”


"Au-delà du toit et de la nourriture, il y a ce sentiment de ne pas exister qui est extrêmement douloureux."


À 5 kilomètres de la Porte d’Orléans, la rustre salle d’accueil du Café 115 grouille de monde. Dans 32 mètres carrés, la structure située à Issy-les-Moulineaux accueille une quinzaine de personnes démunies pour leur offrir une collation, une douche et un espace de vie. Tandis que certains jouent au Scrabble et d’autres discutent devant une émission automobile, Erwan, grand gaillard de bientôt 30 ans, boit son café près d’une multiprise où rechargent les smartphones et consoles des bénéficiaires. Il dort toutes les nuits dans la forêt de Chaville et fait le chemin vers l’association accompagné de quatre amis : “Si tu ne restes pas avec des gens, tu ne t’en sors pas. La rue, c’est l’endroit où tu vois le plus de monde mais où tu te sens le plus seul.”



Erwan recharge son portable et sa Switch qui l'occuperont quand il retournera dans la forêt de Chaville @LdG


Christophe Robert pointe ce sentiment d’invisibilisation que perçoit la majorité des personnes qu’il rencontre : “Dans les squats, dans la rue. il y a des relations. Mais vis à vis de la société, c’est quelque chose de très dur parce que t’as vécu des choses difficiles, tu galères et en plus on te porte un regard accusateur ou pire, une absence de regard.”


Agenda transmédia :


Instragram + Snapchat + TikTok : 4 storys de 10 secondes où Abdel, SDF, raconte la solitude dans la rue.







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