"Certaines personnes nous marquent en tant que journaliste, mais aussi en tant qu’humain"
- Julien Ruffet
- 5 mars 2021
- 2 min de lecture
Mathieu Viviani, 32 ans, est journaliste depuis 7 ans. Actuellement pigiste, il confie être en pourparlers pour un poste au journal économique et financier La Tribune. Son souvenir lui vient d’une interview réalisée avec un activiste tchétchène des droits humains. Le sujet lui tient à cœur, l’homme en face de lui l’impressionne… Il raconte.
"Je travaillais à l’époque pour le magazine Altermonde, spécialisé sur l’actualité solidaire. En octobre, je m’apprêtais à interviewer un défenseur tchétchène des droits humains, spécialisé dans la défense des LGBT. La rencontre est prévue dans les locaux de l’Action des chrétiens pour l'abolition de la torture (ACAT).
Métro Colonel Fabien dans le 19ème, l’immeuble de l’ONG siège en haut d’une grande montée. Je m’attendais à un édifice moderne, c’est l’inverse : ancien et en briques rouges.
J’entre et rencontre le prénommé Ilham accompagné du traducteur. Il mesure au moins 1m90, Il a des cernes jusqu’aux pommettes. C’est l’image qu’on se fait du russe pas commode. Le gaillard m’impressionne. Dans un couloir glauque, on se serre la main avec fermeté. Il me regarde droit dans les yeux. Je me dis qu’il n’est pas en dilettante.
Pour l’entretien, on s’installe sur le balcon avec un café. Il fait doux pour la saison. L’échange commence. Contrairement à son physique, il a une très grande sensibilité. Elle est présente dans sa voix et dans la compréhension des problématiques de son pays.
Tout de suite, il évoque des sujets difficiles. À plusieurs reprises, la police politique de Tchétchénie a incendié ces locaux. Il m’explique sa lutte et ses problématiques. Son courage et sa détermination face aux menaces auxquelles il fait face me saisissent. C’est marquant parce qu’on remarque que des gens ont des réalités bien différentes des nôtres. Je pense qu’il faut s’en souvenir.
À la fin je lui demande la définition d’un défenseur des droits humains. Il me répond que c’est d’avoir conscience de la dignité humaine et se battre pour la défendre. Pour conclure, il ajoute : du coup, en tant que journaliste, vous êtes aussi un défenseur de ces droits, car vous relayez ma parole. C’est pour ça que je vous remercie.
Je ne m’y attendais pas. Le compliment est touchant. J’ai le sentiment de faire un métier qui a du sens et d’avoir choisi cette vocation pour vivre des moments comme celui-ci. Mais je suis gêné et me sens plutôt illégitime au vu de ma situation par rapport à la sienne.
Ça fait partie des interviews qui marque une vie. Certaines personnes nous marquent en tant que journaliste, mais aussi en tant qu’humain."
Julien Ruffet
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