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  • Elise Pontoizeau

Morbihan : Des citoyens dénoncent les pratiques du géant de l’agro-industrie Sanders

Dernière mise à jour : 28 avr. 2021

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Samedi 17 avril, à l’initiative du collectif Morbihan contre les fermes usines, 400 personnes se sont rassemblées devant le siège breton du leader français de l’alimentation animale, Sanders, à Saint-Gérand (56), pour protester contre ses agissements et l'agriculture intensive qu'il encourage.


Le cortège se dirige vers l’usine et le siège social de Sanders Bretagne (en arrière-plan) à Saint-Gérand, près de Pontivy, dans le Morbihan. Crédits photo : Elise Pontoizeau



Avant de m’installer en tant que maraîcher bio, j’étais bien conscient que le modèle agricole dominant allait droit dans le mur”, affirme Julien Hamon, porte-parole du collectif Morbihan contre les fermes usines. Ce samedi 17 avril correspond à la Journée internationale des luttes paysannes et au troisième appel d’une dizaine d’associations à agir contre la réintoxication du monde. À l’occasion, l’agriculteur de 41 ans défile dans les rues de Saint-Gérand, une commune morbihannaise, pour protester contre l’agro-industrie. À ses côtés, une constellation d’organisations citoyennes (Extinction Rebellion, Les pisseurs involontaires de glyphosate, Nous voulons des coquelicots, Eau et rivières de Bretagne, Bretagne vivante), politiques (Europe Écologie les Verts, la France Insoumise, le Parti communiste), et un syndicat, la Confédération paysanne, déambule.


Tout en s'arrêtant régulièrement pour chanter et danser, le cortège de 400 personnes parcourt les quatre kilomètres le séparant du siège social breton de Sanders. Cette entreprise spécialisée dans l'alimentation animale est une filiale du groupe agro-industriel français Avril, qui opère dans 19 pays. Parmi les griefs des manifestants, l’existence de contrats d’intégration qui lient producteurs agricoles (éleveurs ou cultivateurs) et groupes industriels, tels que Sanders, Lactalis ou encore Eureden. Ainsi, en plus de fournir la nourriture animale, les intrants, le conseil technique et parfois même le bétail (dont elles restent propriétaires) aux paysans, ces coopératives gèrent la commercialisation de leur production. Les agriculteurs deviennent alors “prestataires de service”. Ce modèle est pointé du doigt par les participants à l’événement. Selon eux, il asservirait les agriculteurs à des sociétés susceptibles de changer à tout moment les rémunérations ou les normes. Anne Brissac, la responsable de la communication du groupe Avril, assure que ce dernier est “très attentif à ces revendications” et constate qu’il faut “poursuive l’écoute et le dialogue avec [les] parties prenantes”.



Julien Hamon, 41 ans, maraîcher bio à Sarzeau (56). Porte-parole du collectif Morbihan contre les fermes usines et co porte-parole de la Confédération paysanne dans le département. Crédits photo : Elise Pontoizeau



Pour toutes ces raisons, Julien Hamon, qui déambule dans un pull en laine rayé, un bouc tressé pendu au menton, a fait le choix d’écouler les trois quarts de sa production en vente directe. Installé depuis 2007 à Sarzeau, dans le Sud du Morbihan, il commercialise ses légumes sur les marchés, via son magasin de producteurs et une association pour le maintien d’une agriculture paysanne (Amap). Ainsi, il ne dépend pas des géants de l’agro-industrie. “On a de la chance de pouvoir vendre l'entièreté de notre production sur la commune, notre potentiel de clientèle est assez phénoménal, en saison touristique on ne fournit même pas assez”, précise-t-il fièrement.



La loi du silence triomphe


"Les larmes aux yeux et la voix chevrotante, elle confirme avoir peur des représailles si elle témoignait en son nom propre."


Quelques mètres derrière lui, une femme d’une soixantaine d’année passe en revue avec vigueur les différentes critiques qu'adresse le collectif Morbihan contre les fermes usines à Sanders. Cette dernière, dont un bonnet recouvre les cheveux grisonnants, pointe du doigt la phrase inscrite sur le document des organisateurs, qu’elle a pris le temps d’imprimer : “Manipule les éleveurs en les réduisant à des rôles de simple manœuvre, les fragilise financièrement au travers des contrats de dépendance”. “Ça c’est très important”, dit-elle, déterminée. Lorsqu’on lui demande pourquoi elle ne révèle pas son identité, la manifestante avoue à demi-mot être victime du système d’intégration, sans pour autant préciser le nom de sa coopérative. Les larmes aux yeux et la voix chevrotante, elle confirme avoir peur des représailles si elle témoignait en son nom propre.


Car ce type d’agissement existe. Dans son “journal breton”, sur France Culture, la journaliste Inès Léraud relate les témoignages d’agriculteurs ayant dénoncé les pratiques de leur groupe. Certains ont été mis à la porte et n’ont jamais pu retrouver d’entreprise acceptant de travailler avec eux. D’autres, toujours au micro de la journaliste, soupçonnent leur coopérative de leur avoir livré de la nourriture périmée, qui aurait provoqué une surmortalité dans leur élevage.



Une affaire de famille


À Saint-Gérand, l'enfilade de drapeaux, pancartes, déguisements et instruments de musique arrive à mi-parcours. Elle est encadrée par deux infatigables chorales qui enchaînent les chansons “Danser encore” et “L’hymne des femmes”, que les manifestants reprennent en cœur. Sur les visages d'une quinzaine d’entre eux, des masques en forme de poules interpellent. Ils sont une référence aux projets de poulaillers géants dans le Morbihan, et notamment dans la commune de Langoëlan, à une trentaine de kilomètres de là, dont Sanders assurerait le rôle d’intégrateur. L’installation de deux structures de 2200m2 chacune, pouvant accueillir jusqu’à 120 000 poules, fait des remous localement. Pour les participants à l'événement, ces ambitions prouvent bien que la filiale du groupe Avril encourage la création de "fermes usines". “Il y a un travail d’information à faire que la Convention citoyenne pour le climat a mis en évidence, autour de la dimension hors-sol notamment”, explique Axel Lopez, l’un des organisateurs de la mobilisation. “Le combat est très polarisé entre les agriculteurs conventionnels qui subissent le système tout en le défendant parce qu’il leur permet de vivre, et ceux qui s’y opposent”, analyse-t-il.


Le jeune homme aux cheveux longs et bouclés est très remonté contre l’omniprésence des conflits d’intérêts en Bretagne. “À Langoëlan, le nouveau maire, Jean-Claude Le Métayer, est le père du porteur du projet de poulaillers géants, Mathieu Le Métayer, mais le népotisme n’est pas avéré puisqu’il n’était pas encore élu au moment où le conseil municipal a rendu un avis favorable. Celui-ci incluait d’ailleurs Youenn Le Fur, beau-frère de Mathieu Le Métayer et son futur associé si le projet voyait le jour. Mais là encore, l'abus d'influence n’est pas reconnu car il n’y a pas de lien de parenté”, décrypte Axel Lopez.


L’appel de son collectif met en avant l’existence d'un conflit d'intérêt au sein même du groupe Avril. En effet, son président, Arnaud Rousseau, est également membre du conseil d’administration de la FNSEA, le syndicat agricole majoritaire. Son prédécesseur à la tête du groupe, feu Xavier Beulin, était aussi, et simultanément, à la tête de la fédération. Interrogée sur les problèmes d’indépendance que pourraient causer l’occupation concomitante de tels postes, Anne Brissac assure que “ce n’est qu’une affaire de point de vue” et qu’”il ne s’agit pas d’orienter les politiques agricoles et environnementales”, mais de “faire gagner l’agriculture française”.



Romane Rozen et Axel Lopez, 26 et 24 ans, activistes et organisateurs de la manifestation. Crédits photo : Elise Pontoizeau


Une heure après le début de la manifestation, le convoi n’est plus qu’à quelques centaines de mètres de sa destination finale, l’usine Sanders, que garde une dizaine de policiers. Axel Lopez est en ébullition, il porte une cape “contact presse” sur son dos, ce qui attire beaucoup de monde autour de lui. Avec sa compagne, Romane Rozen, il est bénévole à plein temps dans l’association Bascule Argoat, qui les loge et les nourrit en échange de leur investissement sur des projets de transition sociale, écologique et démocratique à l’intérieur du territoire. Un temps qu’ils consacrent notamment au collectif Morbihan contre les fermes usines : “Ce qui est intéressant ici c’est que c’est extrêmement varié en termes d’âge, de métiers... Axel et moi sommes les plus jeunes du collectif, nous avons beaucoup de choses à apprendre, mais il y a aussi des outils que nous maîtrisons plus que d’autres. Ce mix des cultures militantes est très intéressant”, décrit l'activiste de 26 ans.



L'origine contestable du soja


François Gendre, 60 ans, membre du collectif Morbihan contre les fermes usines. Crédits photo : Elise Pontoizeau



Parmi les citoyens engagés qui militent, François Gendre, silhouette longiligne, chapeau de paille vissé sur la tête et drapeau “Sanders, l’Amazonie tu ravages” en main, est facilement repérable. L’homme de soixante ans, également membre du collectif Morbihan contre les fermes usines, dénonce les importations de soja d’Amérique du Sud par le géant de la nourriture animale. Ce à quoi Anne Brissac répond : “Sanders est une entreprise engagée dans la lutte contre la déforestation. Elle a notamment multiplié par cinq, entre 2015 et 2020, l’utilisation de soja français”. Toutefois, la chargée de communication n’est pas en mesure d’affirmer qu’aucun soja importé actuellement par la filiale n’est issu du déboisement. François Gendre, tout comme ses camarades du collectif, continuera d’agir pour que soient entendues les revendications des habitants de son territoire. Le jeune grand-père à l’énergie communicative est animé par l’idée de léguer un monde souhaitable à ses petits-enfants. “C’est maintenant que ça se passe”.


Elise Pontoizeau


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Le collectif Morbihan contre les fermes usines s’est retrouvé à Saint-Gérand (56) devant l’usine Sanders, pour protester contre les pratiques de cette filiale spécialisée dans l’alimentation animale du groupe Avril. Reportage auprès des manifestants.


Lien vers l’article dans la bio.



Contenu supplémentaire

-4 interviews vidéo de moins de 5 minutes à poster en IGTV sur Instagram

-Sur Facebook et Youtube, sujet vidéo entre 5 et 10 minutes sur la manifestation, pas de voix off mais des sous-titres








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