Des salariés de Suez manifestent contre le projet de rachat de Veolia
- Maguelonne de Gestas
- 3 mars 2021
- 4 min de lecture
Dernière mise à jour : 5 mars 2021
Titre pour le print : Veolia/Suez : «Patron Frérot, on va te botter le cul !»
Les manifestants se sont rassemblés devant le siège de Veolia à Paris mardi 2 mars. Le Directeur des Ressources Humaines de la firme s'est entretenu quelques minutes avec un syndicat, assurant «qu'il n'y aurait pas de suppression d'emplois».
«L’OPA, on n’en veut pas !» Les slogans et les fumigènes transforment la rue de la Boétie (8ème arrondissement de Paris) en lieu de revendications syndicales. Près de «deux cents salariés» (AFP) de l’entreprise Suez se sont rassemblés mardi 2 mars devant le siège de Veolia. En cause, le dépôt d’une Offre Publique d’Achat (OPA) par le numéro un mondial de l’eau, qui lorgne sur son concurrent Suez, et propose de fusionner les deux groupes.

L'intersyndicale de Suez refuse la fusion entre Veolia et Suez, qui annulerait toute concurrence entre les deux groupes. - copyright : Maguelonne de Gestas
«Faire disparaitre Suez, c’est mettre à bas la concurrence. Demain, face à un seul groupe privé, il n’y aura plus qu’un seul prix dans les offres publiques. Nous ne pouvons pas l’accepter», scandent les responsables de l’intersyndicale de Suez (CGT, CFDT, FO, CFE-CGC, CFTC). Coups de klaxon, sifflets, applaudissements. Les gilets rouges et bleus acquiescent bruyamment.
Un plan de rachat «très flou»
Jason V. a 32 ans. Cigarette dans une main, drapeau CGT dans l’autre, il se confie : «J’ai peur de perdre mes primes avec ce rachat. Ce plan est très flou, on ne sait pas où on va. Quand j’ai commencé ce travail il y a dix ans, je suis rentré chez Suez, pas chez Veolia. Je ne veux pas que ça change.» Il s'éclipse : «Pardon, mais je dois y aller, on m’attend pour crier sous les fenêtres de Frérot.»
Antoine Frérot est le PDG de Veolia. Son nom est sur toutes les bouches, dans tous les slogans. On lui reproche l'achat de 29,9% de Suez en octobre. Et depuis le 8 février, d'avoir déposé une offre pour racheter l'entreprise dans son ensemble.

Fabien Roussel (à gauche), secrétaire national du Parti Communiste, a assuré son "soutien" aux manifestants - copyright Maguelonne de Gestas
«C’est honteux, ce que vous faites, honteux !». Debout devant le balcon de Véolia, Fabien Roussel, député PCF de la vingtième circonscription du Nord, s’indigne : «Nous défendons l'intérêt général contre l'intérêt particulier des actionnaires». Une affiche accrochée sur une fenêtre des bureaux suscite l'ire des protestataires : «Enlevez cette banderole !» On y lit «Veolia garantit vos emplois». Les casques des salariés s’entrechoquent, la foule se colle et se rapproche au plus des bureaux de Véolia. Ils se retrouvent saucissonnés par une barrière de policiers. « On recule », ordonnent les uniformes bleus. «Oh Frérot tu payes le café ? », «Frérot ! On va te botter le cul !», répondent deux rigolos.

L'affiche placardée sur les locaux de Veolia est vue comme une «provocation» - copyright Maguelonne de Gestas
Le cortège des politiques entame une valse, à la cadence des «On vous soutient», «Votre combat est le nôtre», «On ne vous lâchera pas». Hella Kribi-Romdhane, conseillère régionale d’Ile de France du groupe Alternative Ecologique et Sociale, souligne que «La distribution de l’eau et la gestion des déchets sont des services essentiels pour les Français. Ils ne doivent pas être soumis à la financiarisation et aux lois capitalistes du marché.»
Pierre Person, député La République En Marche, ajoute «qu’avec nombres d’élus, du Parti Socialiste jusque chez les Républicains, nous avons déposé une proposition de loi pour interdire les OPA hostiles, notamment en période de crise sanitaire.»
Brouhaha enthousiaste des manifestants. La fumée rouge et rose couvre les visages. Julien Bayou, secrétaire national du parti Europe Écologie Les Verts, scande des phrases de soutien : «Le parti Ecologique est avec vous !».
Les personnalités politiques sont se succédées : parmi elles, Hella Kribi-Romdhane (Alternative Ecologique et Sociale et Génrations.s), Julien Bayou (Europe Écologie Les Verts), et Sophie Taillé-Polian (sénatrice du Val-de-Marne, Génrations.s).
«Le cœur de ce projet, ce sont les salariés»
Dans cette cohorte se distinguent deux personnages. Ils s’entretiennent, presque à mi-voix. Ambiance intimiste. Le responsable de l’intersyndicale de Suez chuchote avec Jean-Marie Lambert. Le DRH de Veolia cherche l'apaisement, face aux inquiétudes du syndicaliste, qui lance : «Le cœur de ce projet, ce sont les salariés. On parle de démantèlement aujourd’hui. Quand j’entends votre PDG dire qu’il ne conservera que 30% des activités de Suez, il y a de quoi faire paniquer tout l’équipage du bateau.»
Le ton compréhensif entre les deux hommes contraste avec l'ambiance électrique : «Je comprends vos inquiétudes. Notre but, c’est ce qui écrit là, sur la pancarte : garantir vos emplois. Mais vous ne nous croyez pas. Vous prenez ça pour une provocation», tempère Jean-Marie Lambert. Le responsable syndicaliste affirme dans un hochement de tête que «les salariés ont la certitude qu’un bon nombre d’entre eux finiront chez Pôle Emploi.»
Les deux hommes s’accordent sur la nécessité de se parler, et vite.
«Frérot, on reviendra !» lance un gaillard casqué. Le combat n'est pas terminé pour Suez. Depuis le 2 mars, Veolia recouvre «l'ensemble de ses droits» pour poursuivre son OPA, par un arrêt en délibéré de la cour d'appel de Versailles. "Un atout essentiel en vue de la bataille d'actionnaires qui pourrait avoir lieu lors de la prochaine assemblée générale de Suez au printemps", indique l'AFP.

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