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Stationnement payant des deux-roues à Paris : douche froide pour les livreurs Deliveroo et Uber Eats

Depuis le 1er septembre 2022 à Paris, le stationnement des deux-roues à moteur thermique est payant. Une mesure qui inquiètent les livreurs des plateformes Deliveroo et Uber Eats, déjà victimes de leur statut précaire.

Karim Zegag travaille pour Deliveroo depuis un an. Il gagne environ 1 500 € par mois et le prix du stationnement impacterait largement ses finances. Lorraine Gregori


« Ah bon ? C’est payant maintenant ? Mais nan ! » Karim Zegag, livreur pour la plateforme Deliveroo, se tient la tête, abattu. Un petit rire nerveux lui échappe. Depuis le 1er septembre 2022 à Paris, le stationnement des deux-roues à moteur thermique est payant. Garé sur le trottoir du boulevard Vincent-Auriol, dans le 13e arrondissement, ce mardi 13 septembre, le trentenaire s’éloigne de son scooter pour aller chercher une commande McDonald's. Déjà considérés comme des travailleurs précaires, les livreurs des plateformes comme Uber Eats et Deliveroo s’inquiètent de cette mesure.


“Il ne faut pas déresponsabiliser ces plateformes”


De l’autre côté de la chaussée, Kogo Aghini, un grand gaillard coiffé d’un casque vert fluo, nettoie son sac à congélation avant de prendre son service : « Je commence vers midi et termine sur les coups de 21 h 30. Mais il y a des moments creux dans la journée. » Originaire du Blanc-Mesnil, cet emploi du temps en gruyère ne lui permet pas de rentrer chez lui entre deux pics d’activité. Dans ce cas-là, il dépose son scooter dans les rues de la capitale pour aller manger et s’occuper en attendant une nouvelle course.

Un luxe qui coûte désormais, sur l’une des 42 000 places dédiées, 3 € de l’heure dans les onze premiers arrondissements et 2 € dans les arrondissements allant du 12e au 20e. Avec des tarifs préférentiels pour les riverains et certains professionnels.


Kogo Aghini travaille pour différentes plateformes mais aucune ne prend en charge le stationnement des deux-roues. Lorraine Gregori



Mais Karim et Kogo, eux, n’ont le droit à rien. Ils ne reçoivent d’ailleurs aucune aide des plateformes :

« Nous ne pouvons pas prendre en charge tout le monde, se défend l’entreprise Deliveroo. L’idéal serait que les livreurs obtiennent une dérogation pour que leur engin soit considéré comme des véhicules professionnels. » David Belliard, adjoint en charge de la transformation de l'espace public, des transports, des mobilités, du code de la rue et de la voirie à la mairie de Paris, annonce que des discussions vont avoir lieu avec les plateformes de livraison sur cette problématique : « Mais il faudra qu’il y ait une contrepartie de leur part. Que ces entreprises s’engagent à souscrire une mutuelle pour les livreurs par exemple. Il ne faut pas déresponsabiliser ces plateformes qui emploient des personnes sous payées et souvent sans papier », gronde-t-il.


« Si je dois en plus payer le stationnement de mon scooter, il ne me reste plus rien »


Les bruits des moteurs vont crescendo, au fur et à mesure que les minutes passent. Il est presque 13 heures et le défilé des livreurs a commencé. Une dizaine d’entre eux se sont abrités sous un arbre pour échapper aux quelques gouttes de pluie. Dans son coin, Mohamed Ali Himane, livreur pour Uber Eats, fait les comptes. Assurance : 42 €, loyer : 500 €, nourriture : 200 €…« Si je dois en plus payer le stationnement de mon scooter, il ne me reste plus rien », dit-il en confiant gagner à peine 1 000 € par mois. « Pour l’instant je continue comme ça et on verra si je prends des amendes. »


Les services de la ville ont fait de nouveaux marquages pour le stationnement des motos. Lorraine Gregori


Cette mesure vise à désengorger la ville et à favoriser les mobilités douces, rappelle l’adjoint, qui serait heureux de voir le nombre de livreurs dévalant le boulevard cramponnés aux vélos électriques de la ville. « Les commandes peuvent faire une dizaine de kilos, je ne peux pas aller à l’autre bout de Paris sans moteur », commente, pour sa part, Mohamed. Et pour ce qui est des véhicules électriques, « c’est bien mais comment faire pour recharger le scooter. S’il faut s’arrêter en pleine journée parce qu’il n’y a plus de batterie, ce n’est pas la peine. » Chaque minute est précieuse, fait comprendre le livreur en montrant l’installation de fortune qui dépasse de la selle de son scooter. Un adaptateur USB, grossièrement raccordé, qui lui permet de recharger son téléphone. Pas peu fier ! Quelques mètres plus loin, les portes du McDonald’s s’entrouvrent brutalement, laissant apparaître Karim, une nouvelle commande sous le bras. « C’est décidé, je vais acheter un scooter électrique », lance-t-il en rigolant.


Lorraine Gregori.


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