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  • Lorraine Gregori

Théâtre parisien : la vie bat son plein aux Déchargeurs

Dernière mise à jour : 10 mars 2021

Dans une lettre ouverte, publiée lundi 1er mars, un groupement d’organismes du milieu culturel demande au chef de l'État une réouverture des lieux de spectacles. Mais loin du calme assourdissant imaginé, l'effervescence de la vie a repris au théâtre parisien des Déchargeurs.


"Ça sent le spectacle, j’adore !" s’exclame Juliette en respirant une grande bouffée d’air à l’entrée du théâtre des Déchargeurs, au cœur du 1er arrondissement de Paris. Un an s’est écoulé depuis la première fermeture des lieux culturels. Scènes, cinémas, musées, tout semble être laissé sans vie. Et pourtant. Il est 9 h 40, mardi 2 mars, et les va-et-vient se multiplient aux Déchargeurs. La grande porte bleue s’ouvre et se referme, au fil des passages. Tomettes au sol, murs de pierre, poutres apparentes et une belle hauteur sous plafond, le théâtre parisien a tout d’une demeure de province.

Juliette Hecquet est directrice artistique de la compagnie Notre Insouciance depuis 2018. Elle est également comédienne et metteuse en scène pour le spectacle Rose - Lorraine Gregori.



Juliette Hecquet, 25 ans, frêle, de grands yeux ronds et la frange rebelle, est metteuse en scène et comédienne. Elle travaille sur une adaptation de la bande dessinée La Rose la plus rouge s'épanouit, de l'auteure Liv Strömquist, dont elle vient d'obtenir les droits : "J'interprète Beyoncé", souligne-t-elle pas peu fière. Juliette est en résidence aux Déchargeurs jusqu’à la fin de la semaine avec sa compagnie, Notre Insouciance. Tous les jours, de 10 h à 18 h, les six comédiens de la troupe se rejoignent pour répéter.

“L’avantage c’est qu’avec l’annulation des spectacles, on a beaucoup plus de temps. Les professionnels sont plus disponibles et les lieux aussi”, Juliette Hecquet.

A l'instar des Déchargeurs, de nombreuses structures proposent des créneaux, gratuits ou à prix réduits, pour que les troupes répètent et que les lieux s'animent.


Chimie, poésie et lieu de vie

Marie-Line, Juliette, Stany et bientôt Arthur. Les membres de la troupe arrivent au compte-goutte ce matin. Il ne manque plus que Florie. Et Simon qui est absent aujourd’hui. La fatigue se lit sur chacun des visages et les courbatures transparaissent dans leurs moindres mouvements. “Pourtant, avec le couvre-feu, on est obligé de se reposer, on ne peut plus aller boire des coups”, rigole la metteuse en scène. Les comédiens entrent dans la salle de spectacle. On se croirait dans une grande boîte en carton rouge et noire. La pièce, tout en longueur, offre une certaine promiscuité. Il est presque 10 h 30, les répétitions commencent. Enfin, pas tout à fait : “Quelqu’un sait comment on branche ce truc ?” interroge Juliette en essayant d’allumer les enceintes. Apparemment personne. Seul le bruit des pas de Stany, s’accélérant au fur et à mesure de l’échauffement, résonnent sur la scène. “Ah ça y’est, c’est branché !” Run the world de Beyoncé retentit alors dans tout le théâtre.

La compagnie Notre Insouciance a obtenu les droits exclusifs d'adaptation de la bande dessinée pendant trois ans pour la somme de 1 000€ - Lorraine Gregori.



Dans l’arrière salle, une petite porte donne sur la cour. A droite, la baie vitrée des bureaux est ouverte. Emmanuelle Jauffret, 28 ans, chargée de communication aux Déchargeurs, est au téléphone. Ses grandes lunettes rouges s’agitent sur son nez, au rythme de sa tête qui opine. Elle raccroche. “Le travail ne s’arrête pas ! On a du pain sur la planche pour préparer l’ouverture.” Ce théâtre, privé, ne bénéficie d'aucune subvention contrairement aux structures publiques : "Nous survivons principalement grâce au chômage partiel et aux résidences que nous proposons à prix réduits." Le lieu vient d’être racheté par Adrien Grassard, un jeune comédien de 24 ans qui a l'ambition d’en faire un véritable lieu de vie. “Cet endroit, chargé d’histoire, a toujours été dans l'émulation, même en ce moment : répétitions, tournages, projections, ça continue!” Construit en 1708, on raconte que Nicolas Flamel, l’alchimiste ayant découvert la pierre philosophale permettant de transformer les métaux en or, y aurait officié. Longtemps laissé à l’abandon, le lieu est repris en 1979 par le poète Vicky Messica qui la métamorphose en une scène artistique. “Aujourd’hui, il faut voir plus loin que le temps du spectacle et repenser le rapport au public.” Restaurer le hall, installer un bar, organiser des conférences et des ateliers, les idées ne manquent pas pour faire de ce lieu un espace vivant.


“Le théâtre est un art vivant qui ne se cantonne pas à une scène”

“Chic et Chac. Un, deux trois, quatre et chic et chac...” Florie, qui est arrivée à la bourre ce matin, a pris les commandes des répétitions. Les comédiens exécutent une chorégraphie. “Marie-Line, ça ne sert à rien de te précipiter dans les pas. Tu vois, moi ce matin, je me suis levée en retard mais je ne me suis pas pressée pour autant”, illustre la jeune femme. Fou rire général. Midi, pause avant de passer au chant. “Je sors fumer une clope histoire de m’échauffer la voix”, lance Stany.

Jonas prépare son parcours libre "Tu donnes et tu reçois", pour le concours de l'ENSATT, mercredi 3 mars - Lorraine Gregori.



Au même moment, Jonas, 22 ans, les cheveux ébouriffés et le visage poupin, entre dans le hall : "Ça sent bon le théâtre ! Cette odeur de poudre, j’adore”, dit-il en prenant une grande inspiration.

Le jeune homme, venu pour une dernière répétition, s'apprête à passer le concours de l’École nationale supérieure des arts et techniques du théâtre : “Les conservatoires d’arrondissement sont fermés alors que ceux à rayonnement régional sont ouverts. Ça crée une inégalité de moyens entre les candidats. C’est super que la structure nous fasse confiance et nous laisse utiliser les lieux.”

Juliette, qui sort de la salle de répétition, croise Jonas qu’elle semble connaître. Après un court échange, ils tombent d’accord et se quittent sur ces mots : “Le théâtre c’est un art vivant qui ne se cantonne pas à une scène.”



Titre print : L'art bat son plein au théâtre des Déchargeurs


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Vidéo Youtube et IG TV avec l'association Le Bendo qui aménage des lieux en province pour en faire des théâtres "lieux de vie" - Nouvelle tendance.


Podcast : 24h aux Déchargeurs - bruits.







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