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« Villa Médicis du 9-3 » : entre impressionnisme et réalisme

  • Photo du rédacteur: Louis Bolla
    Louis Bolla
  • 8 avr. 2022
  • 5 min de lecture

C'est eux le Grand-Paris.


L’établissement éphémère des Ateliers Médicis à Clichy-Montfermeil. © Louis Bolla

Retard des travaux du Grand Paris Express, actions socio-culturelles encore fragiles, lutte constante contre le prosélytisme des « cutlures urbaines »... les Ateliers Médicis de Clichy-Montfermeil (93) gardent l'ambition d'être la « Villa Médicis du 9-3 » à mi-chemin de la livraison du nouvel établissement.


Sur les chaises, le canapé ou la table, qu’importe l’assise, les jeunes du pôle média des Ateliers Médicis assistent au comité de rédaction à leur manière. Ça boit du Selecto, traîne sur Snapchat. « On ferait bien une émission sur la présidentielle », lance Lucas Roxo, le journaliste et encadrant du pôle. « Pour qui tu vas voter Chaima ? », demande Walid, curieux. « Je ne vote pas, rétorque-t-elle, on sait très bien qui dirige le monde. » Dérapage. S'ensuivent polémiques et joutes verbales. Lucas Roxo, accompagné par Ulysse Mathieu, lui aussi journaliste, intervient. Les deux hommes sensibilisent, forment et accompagnent les jeunes locaux à l’éducation média. L’envergure du travail de médiation et d’accompagnement média initié depuis un an et demi a été officiellement présenté le 15 mars dernier : le média L'Étincelle est né. « Chaque personne qui vient ici, vient avec son idée ou son envie de raconter quelque chose », explique Lucas à Yann, nouveau du soir, aux lunettes scotchées sur le nez et aux bras croisés.


Aux Ateliers Médicis, les projets comme celui-ci, ne manquent pas. Trois festivals durant l’année, des évènements réguliers (des concerts, des projections, des performances), des résidences d’artistes, ou encore l’incubation de l’école de cinéma Kourtrajmé. « On pense qu’ici il y a des voix, des énergies et des places à prendre, car il y a des langages, des expressions, des choses singulières », énumère Renan Benyamina, directeur délégué des Ateliers Médicis.


Le lieu culturel tient bon la direction affichée d’être « un grand lieu artistique » du Grand-Paris à l’horizon 2025. Qu’en est-il aujourd’hui à trois ans de l’échéance ? Car, même si le nom de l'établissement a quelque peu évolué, l’intention est restée la même. Le projet des Ateliers Médicis résonne comme un (futur) lieu socio-culturel important du territoire de la Seine-Saint-Denis.


Faire de la culture où il n’y a rien


La localité de Clichy-Montfermeil est connue pour ses émeutes de 2005, moins pour sa culture. « On est sur des territoires où l’exclusion est importante », déclare Dominique Dellac, vice-présidente du Conseil départemental de la Seine-Saint-Denis. « A Clichy-Sous-Bois, il y a des lieux socio-culturels historiquement installés, mais du côté de Montfermeil, il n’y en a jamais eus », estime celle qui est aussi conseillère municipale de Montfermeil. Clichy-Sous-Bois compte l’Espace 93 depuis 1987 par exemple et accueille des ateliers radios.


« [Montfermeil et Clichy-Sous-Bois] sont des villes dortoirs. Ils ne se passent pas grand chose », juge Silina Sayan, jeune artiste plasticienne, qui a réalisé six mois de résidence à Montfermeil. L’accès à la culture auprès du jeune public de Seine-Saint-Denis est primordial, dit-elle.


Renan Benyamina use alors cette formule pour qualifier les objectifs des Ateliers : faire de ces villes « un lieu d’où l’on parle » et non un lieu « dont on parle ».


« Dès le départ, le projet sonne un peu comme “on apporte la culture en banlieue” »


En 2007 le journaliste Jérôme Bouvier formule l’idée d’un établissement d’accueil, de recherche artistique et de réflexion similaire au modèle de la Villa Médicis de Rome. Les mairies de Clichy-Sous-Bois (Claude Dilain) et Montfermeil (Xavier Lemoine) emboîtent le pas. Au ministère de la Culture de l’époque, Frédéric Mitterrand soutient largement ce projet de faire « une Villa Médicis de banlieue ».


« Il faut que les arts soient tournés vers la ville [Clichy-Montfermeil] mais il ne faut pas faire des cultures de banlieue, en banlieue, pour la banlieue », disait Jérôme Bouvier au Monde en 2012. C’est sûrement l’un des défis les plus compliqués pour les Ateliers Médicis. Celui de parler localement et nationalement. Celui de parler aux institutions et à la banlieue. Sans cesse vérifier le curseur. Cette dualité a fait tomber la première direction de l’établissement jugée « hors-sol », dont un certain prosélytisme des « cultures urbaines » lui était reproché. « Dès le départ, le projet sonne un peu comme “on apporte la culture en banlieue” », analyse aujourd’hui un acteur culturel proche du projet.


Selon plusieurs sources proches des Ateliers Médicis, la direction actuelle demeure « moins hors-sol » que la précédente parachutée à Clichy depuis les ministères parisiens. Elle veille à créer des équipes plus mixtes et inclusives à l’intérieur de l’établissement ; à faire participer tous les acteurs des Ateliers, comme Walid, novice mais investi à l'Étincelle, qui a pris « un billet » pour animer des événements.


Un travail continue difficile à maintenir


Sur le terrain, le rapport avec le public reste encore frêle et discontinu. « Ils rament pour faire du lien », estime une source souhaitant garder l’anonymat. Le programme de résidence Création en cours permet par exemple aux artistes de s’installer dans des territoires périphériques ou ruraux durant six mois afin de promouvoir une offre culturelle auprès de classes d’écoles primaires. « Ils invitent des artistes de oufs, hyper connus et plutôt calés sur les questions de décolonisations, de races, de migrations, fait remarquer la personne proche des Ateliers Médicis, mais une fois qu’ils ont fini leurs résidences, il n’y a pas de continuité dans le travail. »


En effet, l’établissement public de coopération culturelle (EPCC) accueille une centaine d’artistes en résidence, à la prestance émergente comme internationale. On cite la danseuse et chorégraphe Bintou Dembelé ; la réalisatrice Alice Diop, ou encore la romancière Fatima Daas, comme exemples.


« C’est quand il y aura le vrai bâtiment que l’on prendra la pleine mesure de ce lieu. »



La future gare de Clichy-Montfermeil du Grand Paris Express. © Louis Bolla

Ateliers Médicis : une temporalité très longue


Ce sont sur les vestiges de la tour Utrillo, démolie car jugée trop chère et pas aux normes pour le futur projet, que les prochains locaux des Ateliers Médicis doivent sortir de terre en 2025. Mais le chantier de la ligne de métro du Grand Paris Express, qui doit passer aux pieds du « bat’ », a pris du retard.


« Dès que la station de métro de Clichy-Montfermeil sera terminée, la construction de la nouvelle tour débutera », se réjouit Cédric de Mondenard, responsable de la communication des Ateliers Médicis. Le directeur délégué du lieu souligne ce « projet à la temporalité très longue », qui essuie les difficultés « d’un chantier permanent » sur la commune. « C’est quand il y aura le vrai bâtiment que l’on prendra la pleine mesure de ce lieu. »


Les acteurs prennent leur mal en patience et le formule à demi-mots. L'accessibilité des transports permettra-t-elle à Clichy-Montfermeil et aux Ateliers de rayonner culturellement dans le Grand-Paris ? Renan Benyamina : « Peut-être que ce sont les Ateliers Médicis qui permettront de faire rayonner les transports du Grand-Paris ? (rires) »



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